Le software est cassé

Intolérance au software

Ces derniers mois, j’ai développé une forme d’intolérance au « logiciel ». Et à en voir les réactions épidermiques d’une partie des utilisateurs voire les critiques acerbes de gens de la profession, je ne pense pas être le seul dans ce cas.

C’est comme si nous nous étions faits à l’idée que le logiciel moderne ne pouvait être que de mauvaise qualité. On consultera par exemple ce type de discussion ou ce genre de tutoriel pour s’en convaincre.

Bugs, interfaces discutables et expériences exécrables semblent jalonner notre quotidien. Et s’il est vrai que les logiciels de mauvaise qualité ont toujours existé, on peut aussi avoir l’impression que la situation s’est largement généralisée ces derniers temps.

Ainsi, le bouton de mise à jour WordPress est devenu un « panic button » pour nombre de ses utilisateurs – remarquons tout de même que les thèmes utilisés, notamment payants, sont responsables dans pas mal de cas –, la peur de mettre à jour son OS doit désormais être apaisée et les problèmes concernant des fonctionnalités basiques doivent être corrigés en ligne de commande, à l’ancienne, #LikeABoss.

Sérieusement ?

Lean back & relax

Pour suivre un peu le mode du logiciel – puisque j’en dépends pour mon travail –, j’ai tout de même la désagréable impression que l’on ne parle plus que des méthodologies de gestion de projet et qu’on en vient un peu à oublier le reste.

Lean par ci, Scrum par là, Agile dans les offres d’emploi, Waterfall en guise de comparaison, le MVP venant s’ajouter comme nouvel opium par dessus tout cela… et les mises à jour se succèdent à un rythme que l’on aurait qualifié d’effréné il y a encore 5 ou 6 ans.

En parallèle, les développeurs doivent de plus en plus souvent dédier une version majeure à la stabilisation et à l’optimisation de leur logiciel. C’est par exemple le cas d’Apple avec El Capitan et iOS 9, de Google avec Android Marshmallow voire de Microsoft avec sa vague 2 pour Windows 10.

Et dans tout ça, c’est l’utilisateur qui trinque pendant quelques versions – on pense très fort aux utilisateurs d’Illustrator CC 2015 qui ne peuvent plus exporter en SVG.

Si corrélation n’est pas causalité (ou Cum hoc ergo propter hoc comme le diraient les plus cultivés d’entre-vous), je ne peux m’empêcher d’écrire quelque chose que je retiens au fond de mes tripes d’utilisateur depuis un certain moment…

Je m’en fous totalement de votre méthodologie, ce que je veux, c’est un logiciel qui fonctionne, qui ne me pourrit pas la vie avec des bugs méga-chiants et qui est, si possible, optimisé parce que contrairement à vous, je ne bosse pas sur le dernier MacBook Pro Retina à fond d’options – ça vaut aussi pour les designers qui pensent que tout le monde dispose d’un écran ultra-HD et foutent des demi-pixels et du light partout.

C’était (un peu) mieux avant… et je ne suis pas un vieux con

En tant qu’utilisateur de produits Apple, je regrette la stabilité de Snow Leopard (10.6) et d’iOS 6.

Étant utilisateur occasionnel de Windows, je regrette d’avoir mis à jour Windows 7 pour Windows 8, Windows 8.1 puis Windows 10 sur mon portable, d’autant que j’attends toujours les pilotes Asus pour Windows 8…

En tant que prestataire eBook qui fabrique des apps OS X avec Automator et AppleScript, dans le but de nous simplifier la vie chez C&P ou de simplifier celle de clients, je rage de voir des messages d’erreur sans détails (cf. capture ci-dessous) alors qu’il n’y a aucune raison que cela ne fonctionne pas.

erreur sans explication

(À ce niveau-là, il faut faire appel à Houdini « le magicien du bug-tracking ».)

En tant qu’utilisateur pro, je n’en peux plus des logiciels tellement lourds qu’ils bouffent toute ma RAM et font ralentir comme pas possible mon iMac, ce compagnon d’infortune qui a toujours tout encaissé. J’ai également de moins en moins envie de contourner des bugs sur des fonctionnalités sensées être basiques car cela m’irrite au plus haut point – et ce n’est pas bon pour ma tension. Enfin, j’ai envie de désinstaller Kindle Previewer qui est en état de « mort artificielle » (2 fonctionnalités basiques totalement boguées depuis des mois), ce qui m’oblige à disposer d’une installation « OS X Mavericks » de secours pour pouvoir l’utiliser – les meilleurs dans leur domaine, selon le grand patron Bezos…

En tant qu’utilisateur lambda, j’en ai ma claque de voir Safari ou Flipboard planter sur certaines pages web, je hais de devoir faire des mises à jour correctives pour 3 ou 4 apps par jour, je déteste les développeurs d’apps mobiles qui ne savent pas vider un cache de temps en temps – 32 giga-octets, c’est pas le Pérou, les gars – et je serre les fesses à chaque fois que je reçois un mail de notification de mise à jour WordPress.

Simplifiez-moi la vie

On dit volontiers que « le logiciel mange le monde », je dirais que, de plus en plus souvent, le logiciel me pourrit la vie.

Vous n’aimez peut-être pas lire cela mais c’est ma vision des choses à cet instant. Je suis devenu intolérant au logiciel – et je conviens qu’une coupure de quelques semaines ne ferait certainement pas de mal.

Ce n’est pas un hasard si je me tourne de plus en plus vers les lignes de commande…

Et je ne me tourne pas vers le terminal OS X par envie mais parce que j’y trouve du logiciel « simple » et efficace qui fait ce que je lui demande de faire. Et même si je suis certainement un cas isolé, le fait qu’un utilisateur privilégie de plus en plus la ligne de commande, cette chose surannée, devrait au moins vous faire réfléchir.

Sur ce, je retourne m’énerver à mon travail, à cause de votre logiciel.