En ce début d’année, le marronnier du design web refait son apparition.
Je veux bien sûr parler des x tendances de l’année à venir.
Une simple recherche « web design trends 2015 » renvoie 244 millions de résultats, parmi lesquels :
- Web design trends 2015 ;
- 4 web design trends for 2015 that will change your job forever ;
- Web design trends to look out for in 2015 ;
- 10 Web design trends you can expect to see in 2015 ;
- 7 crucial web design trends for 2015.
Loin de moi l’idée de critiquer ces articles puisqu’ils peuvent toujours être intéressants et même dresser un état des lieux du design web à l’heure actuelle. Néanmoins, il faut tout de même souligner que certaines de ces tendances (responsive, typographie, minimalisme/simplicité voire mort de l’intégration) sont listées depuis tellement longtemps que nous pourrions bien volontiers parler de courants et non plus seulement de tendances…
Ajoutons quelques adjectifs ici et là (typographie imposante), approfondissons certains sujets (évolution du design responsif), parions sur quelques nouveautés entraperçues en fin d’année (boutons fantômes) et suivons une grosse boîte de la Silicon Valley (le Material Design de Google après le flat design fin et flou d’Apple après le modern design accentué de Microsoft).
En 2015, on en vient même à rappeler un principe de base, le scroll, comme une nouvelle tendance, ce qui pourrait nous laisser croire que le design web s’est très largement perdu en chemin. Et c’est là que le bât blesse à mon sens.
Je ne sais pas pour vous mais je trouve que le flat (design plat) tourne au fat (design mal dégrossi), que le fin s’impose beaucoup trop dans le corps du texte, à coup de fontes light, que les animations et autres transitions sont de plus en plus pensées pour soigner l’égo du designer au lieu de servir l’utilisateur.
La capture d’écran ci-dessus présente le site français de Slate, ce que je considère comme un exemple frappant de fat design : des éléments imposants mais encombrants qui ne proposent aucune forme d’équilibre et qui versent dans le simplisme. Sur tablette 16/9, ce site est tout simplement illisible.
L’objectif n’est de toute façon pas de faire lire l’article au visiteur mais de lui faire partager et de le faire consulter un autre article : le problème que ce design cherche à résoudre, c’est le nombre de pages vues, pas le nombre de pages lues.
Je ne tiens pas à multiplier les exemples mais Slate est symptomatique du design web actuel : un header fixé, des énormes blocs (icônes de partage, photos, etc.) qui attirent l’attention – qui devraient donc mettre en valeur au lieu de servir l’ordinaire par la répétition – et des textes qui passent au second plan (confort de lecture médiocre car police trop fine, pas assez d’espace blanc pour le mettre en avant, etc.).
Il ne faut donc pas s’étonner que des lecteurs en viennent à utiliser le mode « lecture ».
Inutile de souligner que dans ce mode, le visiteur, passé au rang de lecteur, ne sera plus invité à partager ou à lire un autre article…
Je pense que nous en sommes loin d’en avoir fini avec ce genre de design mal dégrossi, mal pensé, simpliste et qui ne cherche qu’à en imposer pour en mettre plein la vue.
Ces derniers temps, je suis tombé sur tout un tas d’animations « nées » du material design de Google, des animations qui peuvent même être relayées par des employés de la compagnie mais qui donnent surtout l’impression d’être de bêtes et méchantes démonstrations de designers en mal de visites sur leurs pages Behance, dribbble & Co.
Qui pour croire qu’une animation de 10 secondes qui fait « wow » ne finira pas par irriter et frustrer l’utilisateur qui envoie un simple mail ? Ce n’est plus un retour (feedback) à ce niveau-là mais une cinématique de fin d’un jeu vidéo 8-bit…
Cela est du design de court terme.
On cherche à rester dans les tendances, on saute sur l’occasion, il n’y a aucune réelle vision à long terme.
Nous devrions plutôt chercher à créer quelque chose d’intemporel, quelque chose qui puisse résister à l’assaut des tendances.
Dans le material design, ce n’est pas l’esthétique qui compte le plus mais les principes qui sont posés donc formellement exprimés. Je pense que les designers de Google eux-mêmes n’ont pas conscience à quel point ces principes vont permettre des approches stylistiques différentes, au même titre que le minimalisme par exemple.
Regardons du côté des livres !
Le design de livres est-il réellement affecté par des tendances ?
Au XVIe siècle, un ensemble de tailles communes s’est développé chez les typographes européens. Cet ensemble a survécu pendant 400 ans, avec quelques ajouts mais sans grand changement. Robert Bringhurst
Il est plutôt immuable selon moi. Nous l’avons perfectionné pendant des siècles, nous avons accepté ses contraintes et limitations.
Nous devrions nous en inspirer – en partie – pour penser le design à long terme, pour créer des sites à l’épreuve du temps. Or, aujourd’hui, il est au contraire surprenant voire réjouissant de tomber sur des maquettes de sites qui s’inspirent du livre…